Gros plan de trois hydres vertes fixées sur une paroi, leurs tentacules déployés dans l’eau d’un aquarium naturel.

Les animaux nuisibles de l’aquarium

F. Mattier

La liste est longue des espèces que nous voudrions éliminer de nos aquariums, de l'hydre aux algues, en passant par les planaires.  Qu'en est-il en réalité ?

Le réflexe de tout aquariophile lorsqu’il découvre dans son aquarium une hydre, un planaire, un ostracode voire un escargot qu’il n’y a pas introduits est de demander : « comment puis-je m’en débarrasser ? »

C’est un réflexe que nous avons aussi au jardin. Votre rosier est subitement couvert de bestioles que vous ne connaissez pas (et que vous supposez donc nuisibles), et vous courez chez le marchand chercher un produit qui vous en débarrassera !

Nous avons tous fait cela.

Car c’est un réflexe assez naturel. Un animal ou une plante nous effraie, alors nous voulons le faire disparaître. Le renard autour du poulailler, le moustique au jardin, le corbeau dans les champs…


L'exemple de l'éradication des "nuisibles" en Chine

Laissez-moi donc vous raconter ce que fut la « Campagne des 4 nuisibles » en Chine.

À la fin des années 1950, la Chine a décidé de lancer une campagne d’extermination de 4 animaux qui étaient des fléaux pour les récoltes et les citoyens : le moineau et le rat qui mangeaient les grains, la mouche et le moustique.

Tous les citoyens participaient, on payait même chaque personne qui apportait la queue d’un rat qu’elle avait tué ! On donnait des bombes de DDT aux enfants à l’école…

La destruction des nids, des oisillons, l’abattage des moineaux (et autres oiseaux par la même occasion!) aboutit à la quasi-disparition des oiseaux en Chine.

On réalisa alors que les moineaux nourrissaient leurs petits avec des insectes. Leur disparition provoqua des invasions de criquets et la multiplication des insectes ravageurs.

On estime aujourd’hui que la grande famine qui suivit cette extermination fit autour de 30 millions de morts.

 

L'écosystème aquatique : un château de cartes

Il est impossible de retirer une carte d’un château de carte.

Et il est aussi impossible de retirer une espèce d’un écosystème sans impacter tous les équilibres.

Tuez les renards qui mangent les poules mal protégées, et vous verrez les rats taupiers ravager les prairies les années suivantes.

Lorsque vous découvrez dans votre aquarium une hydre, c’est effectivement un micro-prédateur qui s’est invité chez vous ! Mais ce n’est pas non plus la fin de votre aquarium.

Ces hydres vont représenter un danger pour les plus petits alevins et une partie de la micro-faune. Mais, si vous oubliez cette peur excessive et démesurée, et que vous sortez une loupe, quel spectacle ! N’est-ce pas plus fascinant que de regarder un poisson rouge tourner en rond dans son bocal ?

Et si cette hydre parvient à capturer une daphnie ou un ostracode, quelle chance si la loupe est alors à portée de main !

J’ai vu beaucoup d’aquariophiles, sur les réseaux sociaux, s’inquiéter de l’apparition d’ostracodes dans leur bac ! C’était inconnu, imprévu, et donc forcément dangereux ! C’est notre instinct qui nous pousse à fonctionner ainsi : dans la nature, la peur garantit davantage votre survie que l’enthousiasme ! Nous commençons donc toujours par nous méfier.


La micro-faune aquatique est-elle "utile" ou "nuisible" ?

La peur n’est pas bonne conseillère.

Toutes les campagnes d’élimination d’une espèce ont été des échecs. Même se débarrasser des moustiques sans discernement provoque la disparition de certaines chauve-souris !

Il est moins coûteux, moins dangereux et plus raisonnable de privilégier au contraire la diversité. Plus les espèces sont nombreuses, moins l’une d’entre elles risque de proliférer. Toutes se tiennent en respect au sein de l’écosystème. C’est la pauvreté des écosystèmes qui les rend instables, pas le foisonnement d’espèces !

Sans larves de libellules dans vos bassins et poubellariums, pas de libellules qui chassent tant d’insectes volants.

La notion d’animaux utiles et nuisibles ne correspond à rien.

Car tous participent à l’écosystème et lui sont donc « utiles ».


Tuer les planaires de l'aquarium au lance-flamme ?

Je ne dis pas qu’il ne faut absolument jamais intervenir. Mais il faut être conscient de ce qu’on fait et le faire avec mesure. Vider votre aquarium et le passer à l’eau de Javel ou au lance-flammes parce que vous avez découvert quelques centaines de planaires, et vous aurez le plus grand déséquilibre. Tolérer les planaires et attendre qu’ils disparaissent seuls fait finalement moins de dégâts. Un peu aussi, mais moins. Et surtout moins que le produit de traitement contre l’hydre ou le planaire qui vous engage dans une spirale infinie de déséquilibres.


Le mieux est l’ennemi du bien et vouloir faire mieux que la nature peut réserver de bien mauvaises surprises.

Un écosystème est un compromis éminemment complexe entre une infinité d’acteurs, pas une recette de cuisine.

Il en va de même pour un aquarium, un poubellarium ou un bassin.

Trop d’algues est le signe d’un déséquilibre temporaire.

Pas d’algues du tout, c’est très suspect !

Patience, tolérance et raison font moins de dégâts que la peur panique

J'ai personnellement eu des planaires dans certains de mes aquariums. Avec même une ou deux fois un pic de prolifération très fort. Dans tous les cas, ils ont fini par disparaître seuls, régulés par je ne sais quel phénomène : prédation des poissons (guppies ?), microbes, parasites, concurrence, disparition d'une ressource-clé...

Tout a toujours fini par rentrer dans l'ordre avec le temps, sans que je détruise rien.

Mais ces aquariums étaient toujours très riches de biodiversité microbienne et de micro-faune.

volver al blog

5 comentarios

Bonjour,
Je me suis fait un bassin sans poisson avec que des “bestioles” et j’ai eu ce genre de désagrément le temps que le bassin se stabilise.
Je l’avais ensemensé avec des daphies, des ostracodes, physes, aselles, puis j’ai vu arriver beaucoup de dytiques. Mon bassin s’est rapidement trouvé infesté par les larves de dytiques particulièrement carnivores. L’eau clair de mon bassin est devenue trouble, puis opaque. il y avait des dytiques partout. J’ai laissé faire. Quelques semaines après, leur nombre avait déjà considérablement diminué. Avec les temps, les choses se sont régulées. Maintenant, j’en ai deux ou trois (dans 2500 litres) qui vivent leur vie et l’eau s’est éclaircie.
Des larves de libellules sont apparues tout aussi carnivores, mais tout le petit monde semble équilibré. Les physe sont resté et se baladent sous l’eau, les aselles se regroupent près des feuilles mortes au fond. Ça a l’air d’aller. J’ai pensé un moment retirer les dytique au filet, au final cela n’a pas été nécessaire.
Après, il est vrai dans un système suffisamment vaste, l’intervention de l’homme n’est pas nécessaire, mais dans un petit bassin, une invasion peut-être catastrophique. Je me suis dit que faute de nourriture le surplus de dytiques finirait par partir et les bestioles restantes pourraient à nouveau proliférer.

Francois Reignat

Cet article me laisse quelques peu perplexe car je suis à la fois profondément d’accord et en total désaccord de cette vision un peu “bisounours” d’une nature géniale et toujours bienveillante…! Cela me fait penser aux gens qui affirment qu’il ne faut rien faire contre les limaces qui ravagent nos potagers au printemps parce que c’est la nature et que les prédateurs vont arriver tous seuls pour réguler “naturellement”… au final on va acheter sa salade au supermarché parce que bien sûr, tout est mangé en 2 nuits…^^ Il est évident que la diversité biologique d’un écosystème est sa force et sa stabilité et nous avons tout intérêt à nous en inspirer en aquariophilie. Je vous rejoins aussi tout à fait sur le fait que la peur de l’inconnu est bien souvent mauvaise conseillère, de même que l’envie très humaine de tout contrôler et de se prendre pour un dieu. Pour ma part, je ne m’inquiète guère d’un pic d’algues dans mon bassin ou de l’apparition d’hydres dans un aquarium occupé par des killis. Je suis, comme vous, de ceux qui observent, étudient, se renseignent et souvent laissent faire tant qu’il n’y a pas de catastrophe en vue. Mais lorsque ces dites hydres sont arrivées dans le bac d’élevage de mes daphnies (forcément, les daphnies servant à nourrir les killis)… plus personne pour les réguler et une nourriture à profusion : un carnage et tout un élevage foutu ! J’avais beau y avoir introduit plantes, escargots, blackworms, tubifex, ostracodes, cyclops, aselles et j’en passe, les hydres ont pris le dessus en un rien de temps et mes killis ont mangé des granulés ! Car mon bocal, pas plus que mes aquariums ou mon potager envahi de limaces, ne sont des espaces naturels !! Même si bien sûr des phénomènes naturels y ont court (tel le fameux cycle de l’azote, entre autres que je ne soupçonne même pas) et que des bestioles que je n’y ai pas introduit ont pleinement leur place (#love physes), ce sont des créations totalement anthropiques qu’il est je pense illusoire de vouloir “laisser à la nature” car ils sont par définition déséquilibrés (espace confiné avec bien trop d’animaux au litre carré, pas de pluie, éclairage uniforme artificiel, cohabitation d’espèces, notamment végétales, d’origines variées qui n’ont rien à faire ensemble, etc). Même le plus “biotope” des aquariums lowtech ne reproduira jamais la nature, la main de l’Homme l’a créé de toute pièce, elle doit veiller à son équilibre… dans une certaine mesure ;o)
Merci Mattier de nous offrir toujours des pistes de réflexion sur nous-même et notre passion et des sujets de débats enrichissants !

Léa

Un article qui fait du bien après avoir vu mes premiers planaires dans mon 100,,% low tech…. Juste un petit peu peur pour mes crevettes…on va voir comment ça se passe avant d’intervenir (manuellement😉).

Fernandez

Formidablement bien expliqué !
Je retiens :
“Patience, tolérance et raison font moins de dégâts que la peur panique”🙏👍

Frédéric

Par contre, les hydres dans l’aquarium à daphnies…… ça m’a coûté toute ma colonie T_T

Giulia

Dejar un comentario

Tenga en cuenta que los comentarios deben aprobarse antes de publicarse.