
L'Azolla, couteau suisse de la nature
F. MattierShare
Il existe un club très fermé de plantes capables de changer la face du monde. L’Azolla, notre minuscule fougère flottante, en fait partie.
À première vue, elle est superbe mais n’a rien de spectaculaire : de petites feuilles de quelques millimètres, flottant à la surface des mares ou des bassins et formant un beau tapis velouté, allant du vert au rouge profond.
Mais derrière cette apparente simplicité se cache l’une des plus fascinantes histoires de symbiose, de croissance et même… du climat de la planète !
On comprend alors mieux pourquoi je l’ai choisie pour inventer le nom d’Aquazolla...
Une alliance entre une fougère et une cyanobactérie
L’Azolla vit en symbiose avec une cyanobactérie appelée Nostoc azollae (anciennement Anabaena azollae). Un peu comme le lichen, qui est une symbiose entre une algue et un champignon.
Lorsque vous achetez de l'Azolla sur le site, vous avez donc en réalité deux plantes pour le prix d'une !
Nostoc azollae se loge à l’intérieur des minuscules feuilles de l’Azolla, dans des cavités spécialement conçues pour l’accueillir.
Cette cyanobactérie fixe l’azote de l’air au profit de la plante qui, en échange, lui offre abri, carbone et protection.
Ce partenariat est si intime qu’il se transmet de génération en génération : chaque spore de l’Azolla contient déjà sa cyanobactérie symbiotique, ce qui est un cas rare dans le monde végétal.
Résultat : une plante capable de pousser dans des eaux presque dépourvues de nitrates, car puisant son propre azote dans l’air.
Une mini-centrale biologique qui ne dépend que du soleil et de l’eau.
Autonome en azote (comme le haricot), l’Azolla est donc une des plantes les plus riches en protéines. Nous en reparlerons plus loin.
On découvre d'ailleurs, depuis quelques années, que l'Azolla héberge encore d'autres micro-organismes ayant tous un rôle dans son fonctionnement, et qu'elle est donc en réalité un système végétal hyper-complexe et probablement unique.
L’événement Azolla : quand une seule petite plante a changé le climat de la Terre entière !
Il y a environ 50 millions d’années, durant l’Éocène, la Terre connaissait un climat tropical jusqu’aux pôles.
L’océan Arctique, isolé et constitué d’eau douce en surface, s’est alors vu envahi par d’immenses tapis d’Azolla.
Pendant 800.000 ans, elle s’est développée, puis sa masse colossale est morte et a coulé.
Au fond de l’eau, sans oxygène, les tissus morts ne se décomposent pas et restent piégés éternellement. C’est donc une quantité gigantesque de carbone qui a disparu durablement sous les eaux.
Les chercheurs estiment (on n’a trouvé aucun témoin oculaire !) que cet « événement Azolla » aurait provoqué une chute drastique du CO₂ atmosphérique, contribuant ainsi à refroidir durablement le climat terrestre.
Notre petite fougère aurait donc participé à faire basculer la planète d’un monde tropical à un monde tempéré. Comme une grande !
Une ressource naturelle et durable
Aujourd’hui encore, l’Azolla rend d’immenses services à l’humain.
Dans de nombreux pays d’Asie et d’Afrique, elle est cultivée pour nourrir le bétail, les canards, les poissons et même les porcs.
Riche en protéines comme nous l’avons vu plus haut (jusqu’à 30 % de sa masse sèche), en minéraux et en vitamines, elle constitue une excellente alternative écologique aux tourteaux de soja pour les vaches.
Et puisqu’elle fixe l’azote atmosphérique, elle peut être utilisée comme engrais vert naturel dans les rizières : elle enrichit le sol tout en réduisant l’usage d’engrais chimiques.
Une véritable alliée de l’agriculture durable.
Une plante utile en aquarium et en bassin
Chez nous, l’Azolla se cultive facilement dans les bassins et les aquariums ouverts.
Elle forme à la surface de l’eau un tapis végétal flottant qui limite la lumière disponible pour les algues, tout en offrant un abri à de nombreux micro-organismes et invertébrés.
Elle est aussi connue sous le nom de “fougère anti-moustique”, car sa couverture empêche les larves de moustiques d’accéder à l’air pour respirer. Elle les étouffe littéralement !
Et surtout, c’est une plante changeante et vivante : selon la lumière et la température, ses feuilles passent du vert au rouge-brun, formant de véritables mosaïques colorées.
Ce changement est dû à la production d’anthocyanes, des pigments protecteurs.
Dans de bonnes conditions, l’Azolla peut doubler de biomasse en 2 à 3 jours !
Mais son incroyable vitesse de croissance peut aussi poser problème : sans contrôle, elle peut recouvrir entièrement un étang et priver de lumière toute la colonne d’eau et la vie qui s’y trouve.
Ce qui limite sa croissance ? Sa faim de phosphore.
Comme elle prend azote et carbone dans l’air à volonté et sans limites, c’est le phosphore qu’elle pompe dans l’eau qui peut venir à manquer pour sa croissance folle. Et comme l’excès de phosphore encourage les algues, l’Azolla est, de fait, une arme redoutable contre les algues, qu’elle affame littéralement.
Une plante capricieuse
Dès réception de votre souche, l’Azolla vous surprendra.
Durant le trajet, elle semblera s’être désagrégée ! Les frondes se sont généralement fractionnées en miettes, et ses « racines » noires trônent tristement au fond du sachet.
Tout ceci est normal. Ce fractionnement de l’azolla dès qu’on la manipule est justement son mode de multiplication naturel : chaque « miette » donne ensuite une nouvelle plante entière, et ainsi de suite. C’est ainsi qu’elle colonise l’espace si vite.
Et ces racines qui tombent ? En réalité, ce sont de fausses racines. Ces filaments noirs tombent toujours lorsque la plante change d’environnement, afin qu’elle en reproduise d’autres, plus adaptés et plus jeunes, dans le nouveau milieu.
Mais elle reste capricieuse : parfois, elle ne se plaît pas et elle refuse de pousser. Elle repartira alors un jour, à partir d’une « miette » restée en surface (ou au fond en hiver), et vous ne saurez pas toujours pourquoi !
Une plante belle, hors-norme, un chef d’œuvre du vivant, une curiosité qui n’en fait qu’à sa tête et un vrai outil écologique : vous comprenez maintenant pourquoi elle est notre mascotte, chez Aquazolla !
3 comments
J’ai tenté plusieurs fois “d’installer” de l’azolla dans mes aquariums et poubellariums, mais il y avait toujours tant de perte que ça ne “prenait pas”…
La dernière fois j’en ai commandé Plein, et en plus de les laisser dans l’eau, j’en ai aussi mis… dans un pot, avec du bambou et des plantes couvre-sol, sur de la terre bien humide. Elle se plaît énormément, et ça me fait une réserve au cas où je jouerais encore de malchance pour celle qui flotte.
Impressionnante versatilité pour une si petite plante :D
Bonjour, j’ai de l’azolla et effectivement elle pousse très vite ! J’ai pu en mettre dans mes 5 bacs à poissons et même dans le bac de mes grenouilles naines pour 1 sachet acheté ! Fait un beau duo avec la Salvinia. Merci pour cette belle découverte…
Merci pour tout cet éclairage! C’est fascinant! Et c’est vrai que ces petites fougeres sont très jolies à regarder notamment avec une loupe.